samedi 11 juillet 2015

Quelle unité pour triompher de la dictature féroce de Guelleh ?

En mettant sur pied le creuset qu'est la Coalition USN ( Union pour le Salut National ), les différents leaders ont, semble-t-il compris le message des Djiboutiens, qui consiste à se mettre ensemble dans un souci d'union et de rassemblement, pour mettre fin à la dictature féroce qu'ils subissent. Laquelle dictature perpétue leurs souffrances et inhibe tous les efforts qu'ils déploient pour émerger des frustrations quotidiennes.

 

Mais quoique potentiellement salutaire, le contour de cette coalition reste encore flou dans l'entendement de nos concitoyens. Pour contribuer à lever des doutes, il convient d'expliquer, de sensibiliser les bases et de rassurer tout le peuple pour le mobiliser. Le peuple sort peu à peu d'une situation traumatique dont il a été fatalement en proie. Pour le mettre en confiance pour un nouveau départ, pour l'impliquer dans l'édification du « Djiboutien nouveau », il a le droit de comprendre les enjeux et les défis en présence. Ce sont ces différentes étapes qu'il convient d'intégrer pour donner du sens à cette coalition. Il est vrai que l'USN a sa charte. Mais ce contrat d'accord ne donne pas une réelle lisibilité aux populations sur la stature, la vision démocratique et les capacités réelles des acteurs à régler les problèmes et à réaliser la réconciliation nationale. Il me semble qu'il faut poser des jalons dans un souci de transparence et d'efficacité minimales. Il s'agit aussi de contenir des velléités qui, au lieu de travailler pour l'intérêt collectif, s'ingénient à se tirer la couverture alors que leurs revendications n’ont pas encore connu des résultats. Or, pour que l'USN réussisse à accomplir sa mission, chacun des acteurs doit observer la solidarité et la loyauté. Il ne doit donc échapper à personne que chacune des composantes vient à l'USN parce qu'elle espère y trouver son intérêt. Mais il y a un seuil minimum à partir duquel chaque acteur pourra tirer profit.

 

S'il est vrai que nos compatriotes épient en permanence pour identifier la voie par laquelle ils peuvent sortir de leurs difficultés quotidiennes, ils sont en même temps exigeants et ne sont donc pas prêts à s'entraîner dans des aventures sans assurance. Ainsi, avec des préjugés "condensés" ou accumulés dans notre subconscient, à tort ou à raison ; avec les dégâts produits par le concept de la djiboutianité et celui du rattrapage ethnico-clanique ; et dans un contexte où certaines élites entretiennent encore subrepticement des théories identitaires quand d'autres pensent que le président de la République ne doit provenir que de leur groupe clanique, il est du devoir de ceux qui savent analyser les vécus mieux que la moyenne des populations, de travailler à rassurer nos compatriotes, à dissiper les peurs pour préparer les rudiments de la réconciliation nationale dont le peuple a besoin. Le repli ethnico-clanique prend dans le pays parce que la question de l'identité n’a pas été réglée dès l'indépendance par le président Gouled (AUN). Depuis des années, il y a des sujets qui se présentent comme tabou ou quand ils sont abordés, ne font pas l'objet d'un traitement scientifique rigoureux afin de mettre à dispositions des productions à caractère prospectif. Mais parce que les débats sont tronqués, les problèmes posés se révèlent à terme être des racines d'un mal commun. Etant donné que la reconstruction du pays pour son émergence est l'affaire de tou(te)s ses ressortissant(e)s - qui en ont les capacités et les possibilités - les différents capitaux humains ont, dans un esprit de construction, à apporter leurs concours pour le succès de l'USN.

 

Vu que les différents leaders proviennent des partis d'obédiences différentes, il n'est pas exclu que des désaccords d'approche surviennent sur le cours de l'avancement. En même temps, il serait très indiqué que les responsables politiques, - surtout quand ils ont occupé par le passé et/ou occupent actuellement des postes visibles prennent toujours le ton qui convient et choisissent le cadre approprié pour exprimer leurs préoccupations. Il faudra donc tout faire pour rester soudés. Il faudrait également être vigilant pour trouver les moyens de mettre hors d'état de nuire, tous ceux qui se saisissent du premier prétexte qui s'offrent à eux pour ruer dans les brancards. Les Djiboutiens recherchent des acteurs de la vie publique qui peuvent les sortir de leurs difficultés. L'élection présidentielle ne saurait donc être abrégée à une occasion où certains pensent qu'ils sont les mieux outillés parce qu'ils ont des soutiens extérieurs. Chaque Djiboutien doit intégrer que le salut ne viendra à Djibouti que si le déclaré vainqueur des élections présidentielles est celui qui est vraiment élu par le suffrage des Djiboutiens. Le travail de l'USN doit donc consister à ce que quelqu'un n'arrive pas au pouvoir sur la base d'un jeu d'artifices contenant des ingrédients frustrations intempestives. La politique étant une question de rapport de force, tous ceux qui ne jouent évidemment pas le jeu de l'unité devraient se raviser car le pays souffre aujourd'hui à cause des mesquineries antérieurement non révélées. C'est en cela que tout responsable politique qui n'accepte pas les observations de ses "administrés" ou de ses collaborateurs limite considérablement ses chances de survie politique.

 

C'est pourquoi, au sein de l'USN, au-delà de la charte, c'est quand il sera construit un socle viable pour entraîner nos compatriotes, de sorte à travailler dans la transparence et dans un esprit de respect mutuel que nous pourrons donner à l'extérieur une image d'hommes et de femmes politiques responsables, qui auront tiré toutes les leçons des catastrophes successives. Pour une paix durable, le débat doit être ouvert et franc, bien sûr dans le cadre des instances compétentes. Le parti au pouvoir exploitera toujours les couacs et des incompréhensions de passage. Si l'USN ne doit pas en rougir, ce sera naturellement mieux pour elle que ses acteurs évitent des déclarations intempestives qui peuvent mettre à mal ce vivier commun de la majorité des Djiboutiens. Il faut donc surtout travailler à édifier les Djiboutiens pour les entraîner dans la dynamique en cours, en laquelle ils placent utilement leurs espoirs.

 

C'est le lieu de dire que Guelleh est dans une logique de choisir ses adversaires pour l'élection présidentielles. Grâce au nouveau président du Conseil Constitutionnel qu'il a choisi -, Guelleh rêve d'une configuration semblable à celle de 2011 où il avait eu en face de lui Mohamed Warsamé Ragueh quand l'opposition avait choisi de boycotter ces échéances. Guelleh fera éliminer tous ses concurrents sérieux. S'il est par ailleurs vrai qu'il n'est plus en odeur de sainteté auprès de ses parrains, il convient également d'intégrer que ceux qui entendent continuer d'influer sur les processus électoraux en Afrique, ne peuvent basculer qu'en face d'une coalition crédible parce que solide. Les grands pays n'ont pas nécessairement besoin de faire des guerres pour voir leurs intérêts préserver. Un peuple uni dans la solidarité, constitue forcément une force avec laquelle les décideurs internationaux sont amenés à composer. Ce qui suppose que l'USN doit poursuivre son envol en présentant un argumentaire cohérent pour pouvoir entraîner le peuple.

 

Tous ceux dont les actes divisent ; tous ceux dont les agissements font le jeu du dictateur de Haramouss ; tous ceux qui voudraient régler des comptes inavoués ; tous ceux qui ruminent encore des rancoeurs résiduelles parce qu’ils refusent de se remettre en question ; tous ceux qui font du chantage et de la surenchère alors que les populations souffrent, ne sont pas les bienvenus dans un espace sur lequel les Djiboutiens comptent pour se débarrasser de leur bourreau. On peut exprimer un désaccord en discutant avec ses partenaires sans forcément faire des actions d'éclat. Dans tous les cas, vu que la politique est une question de rapport, tous ceux qui pensent que des soutiens extérieurs suffisent pour arriver au pouvoir à Djibouti, sans l'onction du peuple, pourront le prendre à leurs depends.

mardi 23 juin 2015

Abdourahman Mohamed Guelleh: «J’espère que les pouvoirs en place vont entendre»

Djibouti: le secrétaire général de l’opposition espère la liberté pour les medias

 
 

Où en est-on du dialogue entre le pouvoir et l’opposition djiboutienne à un an de la présidentielle, prévue en avril 2016 ? La signature d’un accord-cadre, fin décembre, a mis fin à plus de deux années de crise ouverte après les législatives de 2013 que l’opposition estimait avoir remportées. Finalement, l’Union pour le salut national (USN), coalition de sept partis d’opposition, a accepté de retourner à l’Assemblée nationale. Mais qu’a-t-elle obtenu en échange ? Où en est-on de la mise en place d’une commission électorale indépendante ?
Pour en parler, Florence Morice reçoit ce matin Abdourahman Mohamed Guelleh. Il est le secrétaire général de l’USN et le président du parti Rassemblement pour l’action, la démocratie et le développement écologique (RADDE). Il est de passage à Paris dans le cadre d’une tournée européenne.

RFI : Après deux années de crise ouverte, en décembre dernier, l’opposition a signé un accord avec le gouvernement. Qu’est-ce que cet accord a changé concrètement ?
Abdourahman Mohamed Guelleh : L’opposition djiboutienne était criminalisée : arrestations et emprisonnements arbitraires, interdictions de tenir des meetings publics, interdictions de voyager. Il y a une réalité aujourd’hui, c’est positif, nous avons retrouvé tous ces droits qui étaient bafoués, confisqués. Mais tout cela, ce n’est qu’un début. Il reste à concrétiser les points sur lesquels nous nous sommes mis d’accord pour sortir ensemble de cette crise qui malmène notre pays.
Les promesses qui étaient contenues dans cet accord ont-elles été tenues ?
Il reste beaucoup à faire. C’est le quatrième mois sur lequel nous discutons, dialoguons et nous sommes toujours sur le premier point. Donc, c’est vrai il y a un blocage au niveau de la Céni (Commission électorale nationale indépendante), mais le statut de l’opposition a été négocié, c’est dans le sens positif, même si nous restons bloqués sur un point : sur la liberté des médias. Il n’est pas du tout normal et c’est insensé de voir dans notre pays qui se dit démocratique qu’on a une seule radio et une seule télévision. Donc, j’espère que les pouvoirs en place vont entendre et aller de l’avant pour qu’ils puissent autoriser l’opposition djiboutienne le droit d’avoir des radios et des télévisions.

L’accord prévoyait notamment la légalisation de tous les partis qui composent votre coalition. Où en est-on de ce côté-là ?
Cette liberté politique, nous l’exigeons. J’espère qu’on y arrivera.

Vous aviez mis en place une Assemblée nationale parallèle, vous l’avez dissoute ?
Oui, nous l’avons dissoute suite à cet accord-cadre. Nous avons décidé de renoncer à nos 52 sièges obtenus lors des élections législatives du 22 février 2013 pour tourner définitivement cette page sombre de l’histoire politique de notre pays.

Vous êtes de retour à l’Assemblée nationale avec huit députés seulement. Au sein de votre coalition, certains étaient contre cet accord-cadre et vous reprochent d’avoir abandonné toutes vos revendications. Que répondez-vous ?
Le dialogue est la meilleure arme pour prévenir tout risque de déstabilisation ou de conflit. Djibouti est située dans une zone difficile : la Somalie avec les shebabs, le Yémen, la piraterie maritime. Nous sommes jalousement attachés à la stabilité et à la sécurité de notre pays.

Une frange de la coalition que vous dirigez, l’USN, ne reconnaît pas cet accord. Vous ne craigniez pas une implosion à un an de la présidentielle ?
Cette frange elle existe bien sûr, elle nous encourage tout en restant attentive sur l’aboutissement de l’accord. C’est une coalition dans laquelle il y a un débat démocratique. Un débatre ça ne veut pas dire qu’on est divisé. Je suis convaincu que nous pouvons aller ensemble de l’avant. La charte de l’USN propose un candidat unique et ce candidat devra être élu démocratiquement au sein de l’USN.

Vous êtes candidat à cette candidature ?
Moi, ce qui m’intéresse pour l’instant, c’est que mon pays se mette sur les rails de la démocratisation. Nous devons trouver une Commission électorale nationale indépendante. Nous devrons exister.

Le président Ismaïl Omar Guelleh n’a toujours pas dit s’il sera candidat ou non en 2016. C’est une stratégie ?
Je n’en ai aucune idée. Mais tout simplement s’il est candidat, qu’il mette en place une Commission électorale nationale indépendante. Et s’il gagne, nous sommes prêts à le féliciter. Et si nous gagnons, qu’il nous félicite. Et qu’on se serre la main. Il faut que les élections se déroulent d’une manière transparente, honnête et libre.

Le président Omar Guelleh a plusieurs fois accusé la diplomatie française de négliger Djibouti. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a finalement promis de venir prochainement. Qu’attendez-vous de cette visite ?
Je suis pour un réchauffement des relations entre la France et Djibouti parce que nous avons des relations anciennes, nous comptons sur la France. Nous dénonçons par exemple que la Chine arrive massivement au pays. Ce n’est pas parce que nous n’aimons pas la Chine. C’est parce que les règles d’hygiène ne sont pas respectées.

Vous estimez que le président djiboutien fait trop de concessions à la Chine ?
Il ne faut pas qu’on règle des marchés ou des affaires économiques gré à gré. Il faut qu’il y ait de la qualité, il faut que les intérêts soient gagnants-gagnants. Nous ne sommes pas contre la Chine, mais nous sommes contre les méthodes d’installation des marchés ou d’investissements dans les pays africains en général et dans notre pays en particulier.

Djibouti fait partie de la coalition des pays arabes qui mènent depuis fin mars des raids aériens au Yémen. Qu’en pensez-vous ?
Ce qui se passe à nos portes nous inquiète beaucoup. Nous sommes contre l’extrémisme. Djibouti, il y a un risque parce qu’il y a un chômage très élevé. Nos jeunes pourraient être tentés un jour de rejoindre ces mouvements de terrorisme. Donc, il faut une politique de prévention. Et pour mettre une politique de prévention, il faut de la bonne gouvernance, il faut de la lutte contre la corruption, il faut une démocratie transparente et claire.

Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) redoute une arrivée massive de réfugiés à Djibouti en provenance du Yémen. Seule une trentaine de kilomètres séparent vos deux côtes. Craignez-vous que parmi les réfugiés ne se glissent des extrémistes religieux ?
Evidemment. Donc nous l’opposition par exemple à Djibouti, nous sommes très attentifs à la question de la sécurité. Et nous sensibilisons souvent nos populations de faire très attention parce que nos frontières sont poreuses et donc il y a un risqué.

http://telechargement.rfi.fr/rfi/francais/audio/modules/actu/201504/INV_AFR_LONG_20_04_DJIBOUTI_Abdourahman_Mohamed_Guelleh.mp3